Une expérience humaine étroitement liée à la raison d’être du transport collectif.
Le 29 août dernier, l’ARTM et les partenaires du transport collectif, soit la STM, le RTL, la STL, exo et CDPQ Infra, lançaient le Programme métropolitain Mobilité inclusive. Ce programme a été élaboré afin de répondre aux besoins de mobilité de la clientèle ayant des limitations motrices ou intellectuelles, un trouble du spectre de l’autisme, ou un trouble du langage ou de la parole. Il permet à ces personnes, qu’elles soient admissibles ou non au transport adapté, d’acquérir les connaissances et les habiletés leur permettant d’utiliser de manière autonome les réseaux de bus, métro, train et REM dans la grande région de Montréal.
Reconnaissant l’impact concret de cette grande collaboration régionale, cet automne Trajectoire Québec a décerné le prix Guy Chartrand à ce programme dans la catégorie Développement et amélioration des services de transport collectif.
Lors du lancement, M. Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM, a eu l’occasion d’animer un échange sur les origines et retombées du programme. Pour lui, ce projet est à la base même de la raison d’être du transport collectif. Nous nous sommes entretenus avec M. Gendron qui s’est laissé guider par le premier apprenant du programme, Ludovic.
Pourquoi l’ARTM a-t-elle décidé de régionaliser Mobilité inclusive? Pourquoi un tel programme est-il important?
Cette initiative de la STM méritait d’être régionalisée, car le besoin de diversifier les options de mobilité aux usagers ayant des limitations fonctionnelles est présent sur l’ensemble du territoire. De façon plus générale, le rôle de l’ARTM est de faciliter l’accès aux réseaux à tous et à toutes et d’avoir une vision d’ensemble en faisant rayonner ce type d’initiative porteuse à l’échelle métropolitaine.
Ajouter des options aux usagers ayant des limitations fonctionnelles, c’est leur offrir plus d’indépendance en donnant accès à une plus grande liberté de déplacement, tout en assurant leur sécurité et leur confort pendant leurs trajets. Plus encore, ce programme offre l’opportunité aux apprenants de faire des choix, de les outiller à être plus autonomes et à gagner en confiance en soi.
Pendant la causerie avec l’ensemble des intervenants, dans le cadre du lancement, il fallait voir l’étincelle dans les yeux de la maman de Ludovic qui racontait comment celui-ci avait gagné en confiance. J’ai constaté l’ampleur des outils qu’il applique avec assurance en me laissant guider par lui. L’appropriation de ces connaissances a une grande portée pour les apprenants, mais aussi pour leur famille. Cet impact plus que positif dans leur vie agit comme tremplin pour poursuivre le développement de leur autonomie dans d’autres sphères de leur vie.
Beaucoup d’efforts et de ressources sont déployés afin que nos réseaux de transport collectif soient accessibles à un plus grand nombre de personnes : il importe donc d’encourager et de faciliter leur utilisation.
Vous avez fait l’expérience d’un trajet avec un apprenant, que retenez-vous de cette expérience?
C’est dans ces moments-là que l’on constate l’importance des projets sur lesquels on travaille, notamment celui de la signalétique. Nous avons tendance à la tenir pour acquise, souvent nous ne la voyons plus, mais ce n’est pas le cas pour Ludovic. Il se réfère à la signalétique avant même d’entreprendre un déplacement. En premier lieu, il se place devant la carte du métro et il localise la station où il doit se rendre. Ensuite, il fait le tracé avec son doigt jusqu’au bout de la ligne pour identifier la direction : Angrignon. Et à partir de là, il se repère à l’aide des panneaux pour être certain de suivre la bonne direction et de bien se rendre à sa destination.
J’ai constaté que Ludovic se réfère également aux annonces sonores et visuelles des stations dans le métro. Lorsque nous sommes habitués à utiliser le réseau régulier, nos déplacements deviennent très routiniers et souvent nous n’entendons plus ces annonces, mais pour Ludovic, et pour cette clientèle, elles deviennent essentielles parce qu’elles leur permettent de se situer tout au long de leur trajet.
Le plus grand défi que Ludovic a rencontré lors de notre déplacement a été lorsque nous sommes sortis de la station de métro et que nous devions faire un trajet à pied; il ne connaissait pas cette partie de la ville. Cependant, les outils pédagogiques et les formations théoriques ont été adaptés selon les besoins propres à chaque type de limitation fonctionnelle. Ludovic a été en mesure d’appliquer ses apprentissages à un autre contexte. Grâce aux techniques de repérage apprises, il est arrivé à sa destination. J’ai été franchement impressionné par sa débrouillardise et sa capacité d’adaptation.
Quelles sont les prochaines étapes pour le programme?
Avec le déploiement de ce programme à l’échelle de la région métropolitaine de Montréal, ce sont plus de 2000 usagers ayant des limitations fonctionnelles qui pourront circuler de manière autonome dans les réseaux réguliers de métro, de train, de bus ainsi que dans le REM en 2025. C’est avant tout un projet de transport collectif. C’est-à-dire que tous les acteurs du transport collectif s’y sont investis et y ont collaboré. Ça démontre à quel point, ensemble, on peut réellement changer la vie des gens pour qui on travaille. J’aimerais aussi souligner les partenariats développés avec les milieux scolaires. Ce sont les Centres de services scolaires qui sont responsables de recruter les apprenants. Lorsque des intervenants de différents milieux travaillent ensemble, nous arrivons à développer des solutions intégrées, pour le bénéfice de tous. Ce travail collectif favorise une plus grande autonomie chez les apprenants et, par conséquent, une meilleure inclusion sociale, scolaire et professionnelle, leur permettant de s’épanouir davantage. C’est une belle réussite où chacun des intervenants a joué son rôle. Je suis fier de voir l’impact de ce programme et vais assurément répéter l’expérience profondément humaine que m’a permis de vivre Ludovic.